Bobby on the road

Contrairement au chanteur (Rest In Peace, Serge), le volcan Rinjani est, lui, toujours en activité. Et ce qui se raconte, alentour, dans l’univers des backpackers, est plutôt vrai : il se mérite et ne se donne pas au premier clampin venu. Tant mieux, après 5 jours de farnienteuf à Guili Trawangan, il nous faut du challenge! Le départ est donné le 3 octobre de Senaru, bourgade perchée à 600m d’altitude dans les hauteurs de l’île de Lombok. Le peloton est concentré, ça joue des coudes dès les premiers lacets… Notre équipe, composée de l’explosif Youssef, guide de poche, de Gustavo, brésilien filiforme et volubile, de Ninke, hollandaise volante en fin de carrière, et de nos acolytes favoris Baron Poulidor et Louison Bobby, dévoile assez vite ses ambitions en grimpant en tête la première difficulté de la journée, 1500m de dénivellé poisitif dans la jungle locale.


Après le ravitaillement (riz-pâtes-thé, l’EPO local), la suite de l’étape se déroule calmement et emmène le peloton vers une arrivée quasi-groupée au village étape, à 2100m de haut. Autour d’un bon bol de riz -et de quelques immosels- les équipes sympathisent.

Des biologistes allemands neurasthéniques, un couple de bûcherons canadiens en lune de miel et un médecin sévissant dans le sud-sarthe (Téloché représente!) sont nos concurrents dans cette épreuve. Nous échangeons, le soir venu, sur nos techniques de récupération et nos précédentes courses, pendant que les locaux, autochtones en pélerinage (jeter des poulets vivants dans un volcan, quelle drôle d’idee!) envahissent le campement étape et laissent peu de place au sommeil… Lever 5h30, et c’est parti pour la seconde étape de montagne, deux cols au menu, grimpette-descente-grimpette pour 6 heures de souffrance et un dénivellé total de 1900m (+1200, -700). En tête, Youssef imprime un tempo décourageant pour les hypothétiques attaquants de la journée.

La hollandaise volante, au bord de la fringale, a perdu ses ailes ; elle revient finalement dans le groupe de tête à la faveur de la descente, et l’équipe au complet profite finalement, à l’occasion du ravitaillement, d’un bain salvateur dans les sources d’eau chaude du volcan.

40° et 10 doigts frippés plus tard, on entame la seconde partie de l’étape et la pluie et la brume s’en mêlent. Après 2h30 de lutte dans une visibilité minimale, l’arrivée du jour c’est le Tourmalet dans le brouillard, Morzine dans la purée de pois.

Une rude journéee, pour sûr, mais l’étape reine sera bien le lendemain. Au programme, 1100m d’ascension dans les graviers sableux (one step forward, two steps backward) sur des pentes à plus de 30%, effectuée de nuit pour atteindre le point culminant de l’épreuve, le mont Rinjani, 3726m, et ensuite descendre 3100m de dénivellé jusqu’à Senbalum où la photo finish donnera le verdict. 3h du matin, les yeux ensommeillés, l’estomac tapissé, on se lance à l’assaut des premiers lacets. Piégés dès le départ dans une cassure par notre guide peu vigilant, nous commençons l’étape loin derrière les premiers échappés. La frontale bien réveillée et les manches longues ajustées, on met la machine en route et on s’active pour lutter conrte les températures négatives, le vent glacial, les pentes inhumaines et les concurrents qui nous devancent dans cette course au lever de soleil. « Oui, Jean-Paul, c’est à vous.»  « Je souhaitais juste préciser que le Mont Rinjani est apparu il y a 12 millions d’années lors de la formation initiale de l’île de Lombok, ancestralement appelée Mekileo par les autochtones de la région. Composé de micro-fragments de lave organique, le Rinjani domine aujourd’hui un lac au milieu duquel trône une formation volcanique de type cratérisante datant d’une centaine d’années seulement , dénommée Gunung Buru, laissant entrevoir sur ses pentes, à la nuit tombée, une resplendissante coulée magmatique.» 

« Merci Jean-Paul Olivier, nous reprenons l’antenne pour vous faire vivre la suite de cette ascension palpitante où nos deux français, au panache, font le train.»  Partis en chasse-patate derrière les échappés, ils distancent rapidement leurs équipiers et reviennent progressivement sur les hommes de tête. Au bord de la rupture, les allemands, canadiens et autres hollandais ne peuvent que regarder passer, impuissant, la caravane tricolore.

Louison Bobby emmène un gros braquet et monte en danseuse à l’arrachée, quand Baron Poulidor, dans son style caractéristique, collé à la selle, pousse sur les pédales plus régulièrement.

Au courage, les deux grimpeurs atteignent le sommet seuls en tête, à 5h31 après 2h30 d’une ascension harassante qui restera dans les mémoires (dans la leur au moins!). La vue en haut est à couper le souffle ; les premiers rayons orangers nimbent délicatement le relief alentour et la mer étendue au loin.

Le jeu en valait l’immosel. La (longue!) descente de 3700m à 600m ne sera qu’une formalité.

19h de route, 7,6km de dénivellé, 2,5kg de riz ingurgité par tête, 16 litres de sueur dans le même t-shirt et surtout 1 gros souvenir, cette ascension nocturne magique, sans aucun doute le meilleur instant nutella de mon voyage jusqu’ici…