Bobby on the road

Une brebis prend la route

L’appel de la route

Posted by Bobby On décembre - 19 - 2009

J’ai relu mon journal. Rien de bien original. Classique meme, j’imagine, a la veille d’un retour. Sur la premiere page, le 27 juillet dernier, j’y avais ecrit :

« Tour a tour bouffee d’oxygene pour jeune cadre stresse, reve de gosse inassouvi, quete introspective dans une vie decousue, j’ai pense mille fois ce voyage. Aujourd’hui, jour du depart, je ne sais pas bien ce qu’il est. Ou je vais, ce que je vais y faire, y chercher, y trouver. Mais je suis convaincu que je dois y aller. La route m’appelle, le reste est un detail.» 

olkhonroad
J’ai decouvert, depuis, que ces derniers mots -qui traduisaient sans nul doute possible mon inspiration Kerouacienne du moment- faisaient mimetiquement echo au titre d’un bouquin enfoui au fond de mon sac, « L’appel de la route»  de Sebastien Jallade, offert avant le depart par mon cousin Jean-Charles (merci, vieux, c’est bien le seul livre que je vais ramener!). Ce court essai, habilement sous-titre « Petite mystique du voyageur en partance»  m’a ete d’un grand secours pendant ces 5 mois et a meme inspire la plupart de mes compagnons de route. En dissequant les rouages de nos pensees d’aventuriers, analysant les mecanismes sociologiques de nos comportements d’etranger, et decrivant des situations « reperes»  dans lesquelles tout baroudeur se reconnait, l’auteur s’attache a demythifier le voyage. Et c’est pas du luxe.

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Il faut reconnaitre que c’est d’abord frustrant de se sentir identifie, compris, cerne. « Tu es un voyageur? Voici dans les grandes lignes ce qui va te passer par la tete» , semble nous dire Jallade. Ouh lala, je sens que je vais pas l’aimer ce type… D’un coup, notre demarche « originale» , nos escapades « inedites»  et etats d’ames « ultra-perso»  (mais, non, tu peux pas comprendre ce que je vis vraiment!) deviennent, sous sa plume, « triviale» , « communes»  et « symptomatiques» .

Mais, passe ce premier sentiment de frustration, je peux vous dire qu’on le beni, le bouquin.

Ceux d’entre vous qui se sont deja retrouves seuls, dans un endroit inconnu, se sentant etouffes par une langue obscure et des non-sens comportementaux, pourront temoigner : il s’en passe des droles de choses dans notre tete et on se pose des tas de questions. Plus farfelues et moins organisees, tu meurs. Des questions sur soi, sur les autres, sur le pourquoi de ce qu’on s’inflige, sur le sens de ce voyage… « Serait-ce une fuite? mais qu’est-ce donc que je fuirais ? et les autres… font-ils comme moi ou pas? mais je veux pas faire comme les autres de toute facon… Je suis venu la pour les fuir… vraiment ? un peu… ou peut-etre pas… pour etre tranquille avec moi-meme, juste… mais je m’ennuie… et les autres ici, on dirait qu’ils ont envie de me fuir ? m’en fous, je suis un electron libre… ou peut-etre un cheveu sur la soupe ? Mais non, un invite, tout juste! … mouais… dont on se passerait bien… je sais pas bien ce que je fous la en tout cas… et c’est pas les locaux qui vont me le dire…» 

perdu

Bref, c’est typiquement le genre d’instant ou un tel livre est salutaire ! J’ai donc bien vite remercie « Seb»  (on est presque intimes maintenant) de me rassurer sur mes questionnements, de mettre des mots sur mes etats d’ames, d’anticiper les eventuels facteurs de deception/desenchantement, bref, de m’empecher de tourner en rond.

En vrac, voici quelques-unes de ses reflexions qui m’ont le plus fait reagir :

« Il pourrait paraitre vain de dresser un inventaire des motivations individuelles qui poussent chacun de nous sur les routes [...] Comment dessiner une geographie de nos illusions sans emprisonner un geste magnifie avant tout par sa liberte?» 

Oui, oui, oui et re-oui, et c’est bien ce que j’exprimais dans mon journal.

partir

« Le voyage est un geste ambigu [...] qu’il faudrait a tout prix justifier par un projet coherent [...]. Considere comme un acte inutile, voire suspicieux, il est souvent incompris.» 

Et comment ! je les entends encore… « Mais dis-moi, il y a un theme a ton voyage ? Comment ca, « non» ? Tu vas faire de l’humanitaire, c’est bien ca? Ah non? Un tour du monde en velo pour l’exploit physique? Non plus? Mais tu pars pourquoi alors? J’y suis, tu nous caches tout parce que tu veux faire une expo et une conference a ton retour! C’est ca, hein?»  … bah non, j’ai juste besoin de vacances, envie d’ailleurs, de prendre le large et de voir du pays… Je pars. C’est tout. La signification viendra toute seule. Ou pas. C’est pas le probleme.

« En quelques decennies, l’appel de la route a change aussi surement que notre epoque bouge differemment. Le depart est a reformuler dans un monde ou les distances n’existent plus. [...] Bien des voyageurs ont conscience de louvoyer de plus en plus dangeureusement sur le fil de la sincerite et de la supercherie, tant leurs aventures ressemblent parfois a des tours de passe-passe demodes.» 

Et bing!, prends ca et reste bien tranquille. C’est clair, je ne suis pas un explorateur, un aventurier ou autre precurseur de la Beat Generation ; je ne fais rien de bien original, autant se le mettre en tete, garder les pieds sur terre, et construire sa petite experience, sans pretention, a son echelle.

family

« Je suis libre de devenir ce que je veux etre. [...] Slogan d’un nouveau monde qui emerge et qui donne une latitude effrayante et fascinante a chacun de nous, individus eduques et liberes d’une societe qui offre des milliers de choix possibles [...]. Nouveau dogme contemporain : une vie sans depart ne pourrait se concevoir comme reussie.» 

En bref, partir dans le monde actuel, c’est logique, normal, necessaire, conseille. Ouf. A defaut d’etre original, au moins je ne suis pas has-been ni hors-sujet, c’est deja ca.

« A cette question qui tarraude tous les voyageurs : « D’ou viens-tu?» , en reponse ceux-ci voudraient repliquer « Qui es-tu?»  tant il semble desormais vain d’enfermer un individu dans une « identite cliche» , fondee sur ces seules racines.» 

En partant j’exprime ma citoyennete planetaire, je clame mon appartenance au monde. J’existe en temps qu’etre humain vagabond, sans autre(s) appartenance(s) que celle(s) que je veux bien avouer a mes compagnons de route. Et ca fait un bien fou.

copains

« L’errance est une tension necessaire a la construction de l’individu [...] Le nomadisme actif s’inscrit de plus en plus comme une representation du monde, une tendance d’ebauche maladroite d’une « science de l’agir» . Bien des voyageurs, consciemment ou pas, voient dans cet eloge du « vivre par soi-meme»  une etape indispensable pour elaborer une pensee claire et autonome.» 

Bah oui, parfois on en bave. Pas savoir ou on va dormir le soir qui arrive (ni le lendemain, d’ailleurs), ca force la prise en main, et ca aide necessairement a se construire.

« [Le voyageur] cherche impatiemment a prendre ses distances vis-a-vis de ses proches et de sa communaute d’appartenance, tout en gardant a l’esprit la tyrannique et inevitable construction d’un discours, de retour chez soi.» 

Com-ple-te-ment. On ne reve que d’etre seul. Mais de pourvoir partager. On apprecie l’instant. Mais on prend des photos pour le decrire aux autres. Toujours partager. Sur un fil. Entre le barroudeur solitaire et l’emissaire eclaireur.

seul

« Ce qui differencie un veritable depart du tourisme de masse, c’est la recherche d’une liberte qui doit s’exprimer dans une rencontre fortuite avec les gens.»  Selon Jallade, il faut depasser le faux exotisme balise et tacher d’affirmer sa « curiosite pour l’actualite des hommes qui vivent la, au temps present.» 

Et ca, c’est pas evident… Oublier volontairement les attraits touristiques d’une region pour se plonger dans le quotidien des populations qui comment nous, devorent la tele et aiment faire du shopping… Mais ! Euh! C’est pas ce que je suis venu chercher…  je veux voir des « trucs typiques» ! Et si tout le reste n’etait que flonflons, faux exotisme et vieilles pierres reveillees pour les touristes ? Il faut parfois se sortir du Truman Show ambiant et se frotter aux vrais gens… J’avoue l’avoir fait parfois (pas assez, probablement), en Mongolie et en Chine principalement, et ca restera des souvenirs inoubliables…

lutte

« Du depaysement, qui n’existait plus a force de retours sur ces memes lieux, je touchais a « l’empaysement» .» 

J’aime ce concept « d’empaysement» . Je le rapprocherais meme de mon inclination a rechercher systematiquement des habitudes dans les lieux ou je reste un peu, et ce pour lutter contre ce trop plein de nouveaute, cette non-routine permanente. Diner deux fois de suite dans un meme endroit quand la ville en propose mille, c’est un acte d’empaysement, tres certainement, et c’est fort plaisant.

Evidemment, ces quelques reflexions ne couvrent, ni l’integralite de l’essai de Jallade, ni l’exhaustivite de ce qui a pu me passer par la tete pendant ces 5 mois. Mais c’est bien un ouvrage que je conseillerais a tous les voyageurs, au long cours ou non, avant le depart comme pendant leur errance.

Attention, ne vous meprenez pas, loin de moi l’idee de me lancer dans un proselytisme pro-voyage. Je cherche juste a temoigner de ma petite experience, que je considere – certes, avec le peu de recul que j’ai aujourd’hui, veille de mon retour – comme plutot reussie.

La tentation de partir est enfouie en nous; a nous de l’ecouter, de nous decomplexer et d’oser faire confiance a notre instinct et nos envies.

Vous ne serez pas decus du voyage.

route

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  • Où est Bobby ?

    Au Mans, quelle question ???

  • Compteurs…

    26.500 km en avion
    11.300 km en train
    12.400 km en bus/navette/charette
    1.000 km en Proton Wira
    270 km en bateau/barquette/pirogue
    134 km en Harley
    ... pour un total de 51.604 km !

    280 elephants observes en simultane
    72 tetes de suite avec Baroots (en piscine)
    4h de PES
    13 jours de tourista

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